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« La même mésaventure qu’avec Orson Welles pour « M. Arkadin, Dossier Secret » (composer la musique sans voir les images) se reproduisit lorsque le jeune et talentueux Jean-Luc GODARD vint me demander de composer la musique destinée à accompagner le film qu’il projetait de tourner : Alphaville (1965).

Jean-Luc, contrairement à Welles, me fit lire le scénario, afin de me permettre de saisir le caractère particulier de cette histoire pas comme les autres : « Alphaville » ne se situait pas sur Terre, mais quelque part ailleurs où les choses ne se passaient pas tout à fait comme chez nous. D’où l’obligation d’inventer une musique étrange, qui dépayse l’auditeur.

Je devais inventer les thèmes capables de décrire musicalement les images suivantes :
- La ville inhumaine
- La ville détraquée
- Valse triste.
- Thème d’Amour (ah ! tout de même !...)
- Finale : reprise grandiose du thème d’amour.

Lorsque le tournage fut terminé, ainsi que le montage, je fus invité à assister au mixage, une opération généralement douloureuse pour le musicien qui entend sa partition passer soudain au troisième plan, sinon plus loin encore…


Jean-Luc Godard…Mémoires non éditées de Paul Misraki, archives familiales.

La scène finale d'Alphaville        

Or, tandis que je découvrais les images pour la première fois, au milieu d’une scène, Jean-Luc poussa soudain le bouton de l’accompagnement musical avec une telle énergie que le dialogue devenait inaudible. La musique couvrait complètement les paroles. C’était la première fois que j’assistais à ce type de phénomène, moi qui si souvent demandais au responsable de « mettre la musique un tout petit peu plus fort »…

Je ne pus m’empêcher de me tourner vers Jean-Luc pour lui avouer que je n’avais pas compris ce qui se disait sur l’écran, à cause de la musique. Il se tourna vers moi et répondit par cette phrase demeurée pour moi historique :

- « Et alors ?... Qu’est-ce que ça peut faire ? Les gens vont bien à l’Opéra voir « Rigoletto » ; ils ne comprennent pas un seul mot et ils rentrent chez eux très contents ! »

Je n’insistai pas. Que voulez-vous, c’était « la Nouvelle Vague »…

Anna Karina

Anna Karina